Les investisseurs ne jurent que par lui : le Deal entre les Etats-Unis et la Chine. Ce Deal est devenu un véritable épouvantail, occultant tout le reste. Même les indicateurs les plus alarmistes n’ont pas réussi à effrayer les marchés.

L’année 2019 est marquée par une faillite totale des indicateurs censés prévoir l’avenir. Tous ont anticipé une correction significative des marchés et de l’économie. Au lieu de cela, le marché d’actions américain a battu un nouveau record aujourd’hui.
Quel est le secret du marché ? Il tient en 4 lettres : deal. Les investisseurs sont convaincus que les autorités américaine et chinoise vont finir par signer un deal, évitant une hausse des tarifs douaniers américains prévue en décembre. Il faut dire que cette croyance est nourrie quasi-quotidiennement par des communications rassurantes de la part des autorités.
Lorsque la foi l’emporte sur la preuve, difficile d’avancer des contre-arguments : ainsi les indicateurs les plus populaires qui ont anticipé une correction des marchés ou une récession économique ont-ils tous failli depuis le début de l’année. Ne citons que les 3 ayant fait la une de l’actualité :
– La courbe de taux d’intérêt inversée
– Les ratios de valorisation des marchés d’actions au plus haut
– La confiance des industriels en chute libre
L’inversion de la courbe des taux
Toutefois, la courbe de taux inversée avait des circonstances atténuantes. Il faut rappeler que depuis l’instauration de politiques monétaires ultra-accommodantes, les achats massifs d’emprunts d’Etats de la part des Banques Centrales ont largement contribué à abaisser le niveau des taux d’intérêt de long terme. Ainsi, l’inversion de la courbe a été encouragée. Autrement dit, peut être que sans politique monétaire accommodante, la courbe ne se serait pas inversée. D’après les travaux de la Banque Centrale américaine, l’excès de baisse des taux à 10 ans serait de près de 1 %. Si ce chiffre est bon, alors la courbe ne se serait effectivement pas inversée sans le quantitative easing de la Banque Centrale américaine. Et donc, il n’y aurait pas eu de signal alarmiste de la courbe.
La chute des indicateurs avancés
Il existe au moins 3 explications à ce non-phénomène :
– La première explication est qu’il faut tenir compte de la fin d’année 2018 catastrophique des marchés d’actions, déjà alimentée par la baisse des indicateurs avancés. Ainsi, si l’on tient compte de cette baisse des marchés fin 2018, la hausse de 2019 parait bien moins impressionnante.
– La deuxième explication repose sur la conviction qu’un deal va être signé. Puisque les indicateurs avancés ont baissé à cause du no-deal et la perspective d’un ralentissement significatif du commerce mondial, un deal serait supposé provoquer l’effet inverse.
– Enfin, la troisième explication remarque que les investisseurs n’ont pas été si aveugles que cela. En effet, la performance réalisée par les marchés d’actions est une chose, mais celle réalisée par les actifs « refuges » (emprunts d’Etats) est aussi révélatrice. Or, le fait que les investisseurs aient fortement rallié les marchés des emprunts d’Etats est bien le signe qu’ils ont validé la baisse des indicateurs avancés. D’ailleurs, si l’on fait la différence entre la performance des actions et celle des emprunts d’Etats, on obtient une prime de risque réalisée faible, et bien en ligne avec la baisse des indicateurs avancés.
Des valorisations excessives
Or, là encore, les ratios de valorisations élevés ont peut-être des circonstances atténuantes : les taux d’intérêt faibles. En effet, d’un point de vue théorique, le prix d’une action dépend des bénéfices, mais également du coût de financement. Précisément, pour un même bénéfice, le prix d’une action peut monter juste parce que le coût de financement baisse : c’est exactement ce qu’il s’est passé avec la baisse des taux d’intérêt.
Conclusion : un Deal sinon rien ?
Si le Deal était un indicateur, il serait probablement un mélange de PER, de confiance des industriels, et de courbe des taux. Aujourd’hui, cet indicateur nous dirait alors que le PER est faible (marché peu cher), la confiance au plus haut (accélération de la croissance), et la courbe pentue comme jamais.
Peut-être les autorités seraient-elles tentées de ne rien signer puisque finalement tout va mieux ?
« Les résolutions c’est comme les migraines, on les oublie quand la douleur part » (Robert Bloch).
Personne n’envisage aujourd’hui, un tel scénario. Et pourtant, le deal n’existe que dans la tête des investisseurs, et dans la bouche des autorités américaine et chinoise. Autrement dit, cet indicateur n’existe pas. Les collapsologues de la finance n’ont donc pas encore dit leur dernier mot : et si le deal ne venait pas ?